Plus de 550 condamnés à mort, enfermés dans la prison de Livingston, Texas, attendent d'être exécutés. Ils le seront à Huntsville, paisible bourgade du sud de l'état, très fière de ses 8 prisons et de sa chambre d'exécution.
Hunstville, fondée en 1837, est le type même de la petite ville américaine de province où règnent l'ordre, le calme, la propreté, une ville où il semble ne rien se passer, ce genre de ville que l'on traverse sans s'arrêter car il n'y a rien à y voir ni à y faire! Et pourtant on s'y arrête, on y va même exprès. Et ce n'est pas de ses restaurants fins ni de ses boutiques élégantes, ni de son Université ou de son industrie que la ville tire sa prospérité et sa fierté mais de ses prisons . Huntsville, la ville aux quelques 14 000 détenus, où est installé le Texas Department of Criminal justice, ne vit que par et pour ses huit établissements pénitentiaires dont l'un d'eux, The Walls, au centre, abrite la chambre d'exécution du Texas. Cette prison fut construite en 1849, un an après la création du département Texan de Justice criminelle -TDCJ- c'est là que furent et sont enfermés pour leurs dernières heures puis exécutés tous les condamnés à mort du Texas.
A Huntsville on est fier d'abriter le siège du TDCJ. Il « nourrit » bien: plus de 7000 personnes ont un emploi en relation avec les prisons dans une ville qui compte 35 000 habitants, prisonniers inclus.
Devant The walls -1700 détenus- situé sur la 12° rue, des jardins avec des arbres superbes. Les oiseaux ont des couleurs inconnues chez nous - rouge, bleu soutenu- et de gentils écureuils gris, familiers, gambadent sur les pelouses ombragées soigneusement tondues et s'approchent des gens.
Autour du haut mur de briques rouges qui ceint la prison, des hommes entièrement habillés de blanc s'activent, tondent l'herbe, coupent, arrosent, sarclent... ce sont des prisonniers – le blanc est salissant mais plus facile à repérer en cas d'évasion. Des gardes nonchalants mais attentifs surveillent de loin. La majorité des prisonniers travaille: réparation des bus scolaires, entretien des bâtiments et espaces publics, fabrication d'uniformes, travail agricole pour les prisons etc
« Ils travaillent et aucun d'eux n'est payé pas même un penny » s'est un jour félicité un responsable de la Chambre de Commerce de la vile.
La population de Huntsville comme celle de tout le comté de Walker (dont la ville fait partie) et du Texas est pour la peine de mort à presque 80%. C'est écrit dans la Bible et dans la Constitution. Alors peu importe que le taux de meurtre dans les états sans peine de mort soit largement inférieur ( parfois la moitié) à celui du Texas, peu importe que la police, au niveau national place la peine de mort presque en dernier dans les raisons qui découragent les criminels, peu importe les enquêtes truquées, les innocents condamnés, le coût pour l'Etat: c'est la loi et elle est bonne!
Andrew, six ans de prison pour des « bêtises » a fait des études, passé deux masters en détention. Rencontré en 2000, à sa sortie du Walls, il m'avait expliqué: ici le crime est une source de business. Les politiciens clament qu'ils veulent l 'éliminer mais c'est faux. Le crime fait partie de notre système social et économique. Eliminez seulement 50% des crimes au Texas et le chômage fera un bond. Voyez: d'un côté il y a les différents corps qui vivent sur le crime: Texas Rangers, Marshalls, FBI, juges, employés de tribunaux, avocats, les gardiens de prison, les officiers qui contrôlent les prisonniers en conditionnelle, les services sociaux qui les suivent etc. D'un autre côté les criminels qui se retrouvent en prison, travaillent gratuitement et qui en sortent sans véritable projet de réinsertion puis retournent en tôle! Qui a intérêt à gagner cette soi-disant guerre contre le crime? »
A quelques pas du tribunal, les touristes peuvent se faire peur en visitant le musée de la prison. Old sparky, la vieille chaise électrique en bois, y trône, attirant les visiteurs. Les dames qui s 'occupent du musée sont charmantes, très accueillantes et on peut signer le Livre des Visiteurs, y laisser son commentaire.
Les soirs d'exécution, la rue qui longe The Walls est barrée, gardée par des Texas Rangers, chapeau de cow boy bien d'aplomb, pistolet au ceinturon. Avant et pendant l'exécution il y a les proches du condamnés, quelques opposants une bougie allumée en main – cinq, dix personnes- toujours les mêmes parfois un ou deux européens, des femmes surtout, amies ou correspondantes du condamné. La télévision et les journalistes locaux couvrent rapidement ce non évènement. Les passants ne s'arrêtent même pas.
Parfois quand le condamné est connu, quand il a bénéficié d'une large couverture médiatique, ils sont plus nombreux et les médias aussi. Dans ce cas , en face, à l'autre bout de la rue, les pro peine de mort sont là aussi avec des pancartes très parlantes.
Une grosse pendule au dessus de l'entrée du Walls permet de savoir ce qui se passe exactement à l'intérieur. Les exécutions commencent à six heures, heure locale
Un homme est alors attaché les bras en croix, une aiguille plantée dans chaque bras...si l'officiant a réussi du premier coup à trouver les veines! Il dit ses derniers mots. le poison commence à couler.
Si tout se passe bien, entre 18h20 et 18h30 c'est terminé. Un homme est mort tué par « homicide » comme va noter l'administration sur le compte rendu à « cause de la mort ».
Un crime pour un crime, la justice est rendue, la victime est vengée. Les habitants de Huntsville sont chez eux, en famille, devant la télé, un plateau repas sur les genoux. Aux informations, le crimes de la journée- il y en a tous les jours, parfois plusieurs- Le responsable de l'enquête l'assure au micro, le coupable sera retrouvé et puni.
Colette Berthès
Colette Berthès
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