Pour la première fois, l’Humanité a pu rencontrer le
journaliste afro-américain, qui, depuis qu’il est sorti du couloir de la
mort, continue de purger une peine de prison à vie à la suite d’un
jugement inique. Mumia, qui a accueilli notre envoyé spécial en le
toisant du mot « liberté » en français, témoigne et évoque ses… projets.
Mahanoy (Pennsylvanie,
États-Unis), envoyé spécial. Quand
on entre dans le parloir du centre pénitencier de Mahanoy, Mumia
Abu-Jamal est joyeux. Immédiatement, son sourire nous marque, son pas de
danse aussi. C’est sa manière de nous accueillir. Celui qui a passé
trente ans dans le couloir de la mort n’est pas encore libre, mais il
l’est déjà davantage. Il peut voir d’autres détenus. Au parloir, il a pu
rencontrer sa famille, son fils, qui lui aussi a été incarcéré
plusieurs années. Il a pu les toucher, car dans le couloir de la mort,
les visites se faisaient derrière une vitre. En 1981, Mumia Abu-Jamal a
été arrêté, accusé du meurtre d’un policier. Ce crime, il l’a toujours
nié. L’année suivante, il est condamné à mort. Après trois exécutions
programmées mais annulées du fait de la mobilisation internationale, la
peine de mort a été transformée en prison à vie, en décembre 2011. Ses
conditions de détention se sont améliorées. À ses soutiens qui nous
accompagnent et qui l’interrogent sur la qualité de la nourriture, il
sourit : « Ici, elle est chaude. » Tout en dévorant les friandises au
chocolat du distributeur installé dans la salle de parloir. Autour de
notre table, un père dorlote son nouveau-né, un autre détenu embrasse sa
compagne. Mumia est très informé. Il conte plusieurs anecdotes sur
l’incapacité du système éducatif à développer les potentialités des
jeunes. Il écoute un rappeur qui fait partie de la visite et qui
l’entretient des changements de mentalité dans son milieu, du fait des
maisons de disques. Journaliste, il l’est toujours. En détention, il a
rédigé plusieurs livres. Mais aujourd’hui, si rien n’est fait, il devra
continuer d’exercer ce métier depuis son pénitencier. « C’est désormais
le déni de justice qui doit être reconnu, et Mumia libéré », estime son
comité de soutien français. Aujourd’hui, seul le ministère de la Justice
fédéral peut demander une révision du procès. Les multiples
arrestations pour corruption de policiers impliqués dans son procès
initial pourraient constituer un fait nouveau. « Nous avons une fenêtre
de quatre ans », indique la porte-parole à l’international de Mumia,
Johanna Fernandez, qui souligne le besoin plus que jamais de la
mobilisation internationale.
Gaël de Santis (l'Humanité 15/02/2013)
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