Les circonstances de l'adoption de la loi du 9 octobre 1981
PJL AN 1981 abolition peine de mort
Après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de
la République, dont la position abolitionniste avait toujours été clairement
exprimée, un projet de loi portant abolition de la peine de mort est déposé sur
le bureau de l’Assemblée nationale le 29 août 1981. Son exposé des motifs est
bref ; il retient le principe d’une abolition définitive et générale de la
peine capitale.
Pour le Gouvernement, son défenseur est Robert Badinter,
Garde des Sceaux du Gouvernement Mauroy, qui, dans sa fonction d’avocat, au
cours des années précédentes, avait mené un combat passionné en faveur de
l’abolition de la peine capitale. Des débats passionnés, mais de haute tenue,
ont lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat.
La discussion dans les deux assemblées
A l’Assemblée nationale, le rapporteur de la commission des
lois est son président Raymond Forni, depuis longtemps défenseur de l’abolition
de la peine de mort au nom des députés socialistes. La discussion a lieu les 17
et 18 septembre. Après de nombreuses interventions et le rejet d’une question
préalable, l’abolition de la peine de mort est votée par 369 députés contre 113.
Un article additionnel est également adopté, stipulant qu’un projet de loi
portant réforme du code pénal devra déterminer l’adaptation des règles
d’exécution des peines rendue nécessaire pour l’application de la loi
d’abolition.
Au Sénat, le sort du projet de loi est, au début de la
discussion, plus incertain. Le rapporteur désigné par la commission des lois,
Edgar Tailhades, démissionne. Il est remplacé par Paul Girod qui indique :
" Compte tenu de la position prise par la commission – et celle-ci ne constitue,
à l’évidence, que le reflet des incertitudes de beaucoup d’entre nous -, votre
rapporteur ne peut, en définitive, que s’en remettre à la sagesse du Sénat, et
aussi à la conscience de chacun de ses membres. ". La discussion en séance
publique se déroule également de façon exceptionnelle : la Conférence des
Présidents a décidé de ne limiter ni le temps de parole des intervenants, ni la
durée des débats. La discussion a donc lieu les 28, 29 et 30 septembre.
Récit de l’examen du projet de loi au Sénat par Robert
Badinter
" J’avais refusé de recourir à la procédure d’urgence.
Il aurait été paradoxal de l’invoquer, s’agissant d’un débat qui durait depuis
deux siècles. Mais, si le Sénat rejetait le texte ou l’amendait, il faudrait
recourir à la navette et, faute d’accord entre les deux Assemblées, imposer, en
dernière lecture, la volonté de la majorité des députés. Cette éventualité me
déplaisait, car elle donnerait à l’abolition le caractère d’une loi votée à
l’arraché.
(…) A la reprise des débats, le mercredi matin, la partie se
joua. (…) Chacun savait que si l’amendement d’Edgar Faure [maintien de la peine
de mort uniquement pour les crimes les plus odieux] était rejeté, la voie était
ouverte à l’abolition. Le moment était décisif. Le groupe socialiste demanda un
scrutin public. L’effervescence régnait dans les couloirs et la salle des pas
perdus tandis que le scrutin se déroulait à la tribune. Enfin, le président de
séance, Robert Laucournet, donna le résultat : l’amendement était rejeté par
172 voix contre 115. Les applaudissements éclatèrent, y compris dans les
travées de droite. L’article premier – La peine de mort est abolie – fut adopté
aussitôt par un scrutin public à la majorité de 160 voix contre 126. Les
applaudissements reprirent de plus belle. Dès lors, la partie était jouée. Tous
les amendements déposés par les adversaires de l’abolition furent retirés.
C’est par un simple vote à main levée que la loi fut définitivement adoptée. Il
n’y aurait pas de navette, pas de seconde lecture.
Je regardai l’horloge : il était douze heures et cinquante
minutes, ce 30 septembre 1981. Le vœu de Victor Hugo – " l’abolition pure,
simple et définitive de la peine de mort " - était réalisé. La victoire
était complète. " (Extraits de " L’abolition ")
Après les discours de Robert Badinter et de 28 orateurs et
le rejet d’une question préalable, l’abolition de la peine de mort est votée
par 161 voix contre 126. La loi est alors promulguée par le Président de la
République le 9 octobre et publiée au Journal officiel le 10 octobre 1981.
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