Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

samedi 19 septembre 2020

mort de la juge à la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg

 https://www.liberation.fr/planete/2020/09/19/etats-unis-mort-de-la-juge-a-la-cour-supreme-ruth-bader-ginsburg_1799954

Son décès laisse vacant un poste aux grands pouvoirs et annonce une fiévreuse bagarre politique pour la remplacer avant la présidentielle du 3 novembre.

Silhouette frêle et voûtée, gants noirs et jabots sur sa robe de juge, Ruth Bader Ginsburg incarnait l’une de ces rares présences rassurantes, pour la gauche à l’ère Trump, siégeant dans une institution clé de la démocratie américaine. Championne de la cause des femmes, des minorités ou de l’environnement, la juge progressiste et doyenne de la Cour Suprême est morte ce vendredi à l'âge de 87 ans des suites d'un cancer du pancréas. Son décès laisse vacant un poste aux grands pouvoirs, et annonce une fiévreuse bagarre politique pour la remplacer avant la présidentielle du 3 novembre.

Désignés à vie

Deuxième femme de l’histoire des Etats-Unis à devenir juge à la Cour Suprême, Ruth Bader Ginsburg était malade depuis des mois et les démocrates suivaient avec angoisse ses bulletins de santé. Elle faisait office de rempart progressiste à la Cour suprême des Etats-Unis, devenue résolument conservatrice après la nomination de deux juges par Donald Trump ces dernières années. Son accomplissement le plus durable: les neuf juges qui y siègent sont désignés à vie par les présidents, avec confirmation du Sénat. La plus haute instance judiciaire américaine, qui veille à la constitutionnalité des lois, joue un rôle crucial en arbitrant les débats de société aux Etats-Unis, du port des armes au droit à l'avortement, de la peine de mort au mariage de personnes de même sexe.

Née à Brooklyn de parents immigrants juifs russes, Ruth Bader Ginsburg a toute sa vie fait figure de pionnière. En 1956, elle entre à la prestigieuse université de Harvard, où elle est l’une des neuf femmes sur les 500 étudiants en droit. Elle finira son cursus à Columbia, major ex-aequo de sa promo. A sa sortie, les cabinets d’avocats de New York ne se pressent pourtant pas pour l'embaucher. «J’avais trois choses contre moi, racontera-t-elle. Un, j’étais juive. Deux, j’étais une femme. Mais, le plus grave, c’est que j’étais la mère d’un enfant de quatre ans.» 

Elle consacre alors sa carrière de juriste, enseignante et chercheuse,  aux droits des femmes. Entre 1972 et 1978, elle plaide dans six affaires de discrimination basée sur le sexe devant la Cour suprême et en remporte cinq. Quinze ans plus tard, elle retourne dans le massif bâtiment à colonnades sur la coline du Capitole, à Washington DC. Mais cette fois, sur le banc des juges. Nommée par le président démocrate Bill Clinton en 1993, elle est confirmée par le Sénat à une écrasante majorité. En 27 ans à siéger dans le temple du droit américain, elle s’est notamment distinguée pour sa défense des droits des homosexuels ou des migrants.

La une du Washington Post, le 19 septembre 2020, après la mort de la juge à la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg.

La une du Washington Post de ce samedi

«Notorious RBG»

Sous ses dehors de grand-mère érudite et malicieuse, «Justice Ginsburg» était farouchement indépendante, surtout depuis le départ à la retraite de la juge Sandra Day O’Connor au mitan des années 2000, qui la laisse seule femme à siéger à la Cour. Elle n’hésitait pas à rompre avec la majorité de ses collègues, multipliant les avis divergents. «I dissent» («Je ne suis pas d'accord», ndlr), avait-elle écrit en omettant la formule consacrée «respectueusement», quand, lors de la présidentielle contestée de 2000, ses pairs avaient majoritairement tranché en faveur de George Bush.

Son «I dissent», grand classique auprès des juristes qui dissèquent ses avis, laisse également sa trace dans la culture populaire. Dans une Amérique chahutée par le mandat de Trump, l'expression devient synonyme d'audace féministe, de courage et de combat. Icône auprès des progressistes depuis une dizaine d'années, Ruth Bader Ginsburg faisant l’objet d’un véritable, quoique affectueux et amusé, culte de la personnalité. Notamment auprès des jeunes, qui l'avaient affublée du surnom de «Notorious RBG», un jeu de mot sur ses initiales, référence au rappeur Notorious B.I.G. Sa fameuse formule, ou son visage à lunettes et grosses boucles d’oreille, imprimé sur des t-shirts, des badges, des bougies et même des boules de Noël, étaient visibles dans toutes les manifestations anti-Trump ou sur les sacs à dos d'étudiants. Un film (Une femme d'exception) et un documentaire sur sa vie (RBG), sortis en 2018, avaient parachevé sa légende auprès d’un large public.

 

A lire aussi «RBG», dernière icône progressiste à la Cour suprême

Dans un communiqué, Donald Trump a salué la mémoire d'une «pionnière, pas seulement dans le domaine du droit, mais aussi dans l'histoire de notre pays», qui s'est «battue jusqu'au bout». Malgré quatre cancers, la mort de son mari en 2010, et son âge avancé, «RBG» assurait encore cet été qu’elle ne comptait pas quitter ses fonctions. Fin juillet, la «machine», ainsi qu’elle était parfois qualifiée, avait toutefois annoncé une rechute de sa maladie et été hospitalisée deux fois. L’inquiétude plane désormais dans le camp démocrate quant à son successeur.

Gifle

Peu après l'annonce de sa mort, vendredi soir, la radio NPR a dévoilé ses dernières volontés, confiées à sa petite fille: «Mon vœu le plus cher est de ne pas être remplacée tant qu’un nouveau président n’aura pas prêté serment», lui a-t-elle dicté quelques jours avant sa mort. Donald Trump - qu'elle avait traité d'«imposteur» lors de la campagne de 2016, avant de regretter ses propos -, avait déclaré en août qu’il n’hésiterait pas à nommer un juge à la Cour suprême même très près de l’élection. Soucieux de galvaniser les électeurs de la droite religieuse, il a déjà publié une pré-sélection de candidats, des juges conservateurs opposés à l’avortement et favorables au port d’armes, conformément à sa promesse de campagne dès 2016. D'autant que ces derniers mois, les cinq juges conservateurs qui siègent actuellement à la Cour (sur neuf), ont montré qu'ils ne faisaient pas bloc et pouvaient voter avec leurs confrères progressistes. Trump devra ensuite soumettre son choix à un vote du Sénat. Son chef, le républicain Mitch McConnell, a déjà fait savoir par communiqué qu’il entendait bien organiser un vote à la chambre haute du Congrès.

Une gifle pour le camp démocrate, qui n'a pas oublié le précédent de 2016. En pleine campagne présidentielle, McConnell, avait refusé d'auditionner un juge choisi pour ce poste par Barack Obama, prétextant qu'il s'agissait d'une année électorale. Offrant à Trump la possibilité de nommer un juge dès son arrivée à la Maison Blanche, et de marquer des points très rapidement auprès de l'électorat conservateur.

«Il y a quatre ans et demi, les Républicains (...) ont inventé le principe que le Sénat ne pouvait pas pourvoir un siège à la Cour Suprême avant qu'un nouveau président ait prêté serment», n'a pas manqué de rappeler l'ancien président démocrate Barack Obama dans un communiqué publié vendredi soir. L'un des principes de base de la loi consiste à appliquer les règles avec cohérence, et non en se fondant sur ce qui est pratique ou avantageux sur le moment.» Son ancien vice-président Joe Biden, adversaire de Trump à la présidentielle, a enfoncé le clou: «Les électeurs doivent choisir le président, et le président doit proposer un juge au Sénat», a-t-il asséné lors d’une déclaration à la presse dans la soirée.

Fort d'une majorité au Sénat, le parti républicain, et Donald Trump, pourraient bien remporter cette nouvelle victoire. Accentuant encore, et pour des décennies, le conservatisme de la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis. Sauf défection d’élus modérés, qui font face à des campagnes de réélection compliquées. La pression sera forte, dans un délai très serré, et en pleine campagne électorale.

Aucun commentaire: