Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

dimanche 2 janvier 2022

Aux Etats-Unis, la lente érosion de la peine de mort

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Le chiffre des exécutions de condamnés à mort aux Etats-Unis a atteint en 2021 son niveau le plus faible depuis plus de trente ans, confirmant une tendance historique à la baisse amplifiée par le moratoire fédéral annoncé cet été par la Maison Blanche.

par Samuel Ravier-Regnat

publié le 1er janvier 2022 à 6h15

En matière de peine de mort, 2021 avait commencé on ne peut plus mal aux Etats-Unis. Portée par une frénésie sinistre, l’administration de l’ancien président Donald Trump avait ordonné dans les trois semaines précédant l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier, l’exécution fédérale de trois condamnés à mort, portant le total à six depuis la défaite républicaine à l’élection présidentielle de novembre 2020. Un record, alors que les périodes de transition sont traditionnellement plus propices aux grâces qu’aux mises à mort. Mais l’année civile s’achève sur une note plus réjouissante.

Selon le rapport annuel du Death Penalty Information Center (DPIC), qui fait référence dans le pays, le nombre d’exécutions aux Etats-Unis a atteint en 2021 son niveau le plus faible depuis 1988, avec onze mises à mort au total. Un chiffre sans commune mesure avec ceux de la fin du siècle dernier : en 1999, 98 prisonniers avaient été exécutés. En 2021, 18 condamnations à mort supplémentaires ont été prononcées, un bilan là aussi presque sans précédent dans l’histoire moderne de la peine capitale aux Etats-Unis. C’est la septième année consécutive qui enregistre moins de trente exécutions et de cinquante condamnations à mort.


«Ces chiffres s’inscrivent dans une tendance à la baisse de long terme. Depuis au moins dix ans, les exécutions et les condamnations à mort chutent régulièrement, et le soutien de l’opinion publique à la peine de mort décroît. Il aura fallu du temps, mais les Etats-Unis se joignent enfin à la dynamique internationale vers l’abolition universelle», relève Michael Radelet, sociologue à l’Université du Colorado-Boulder, qui a travaillé sur le sujet pendant plus de quarante ans. «On est sur une trajectoire d’extinction lente de la peine de mort», confirme Simon Grivet, spécialiste de l’histoire judiciaire des Etats-Unis à l’Université de Lille. Le chercheur y voit «une convergence de facteurs» entre les erreurs judiciaires qui ont ébranlé la confiance des Américains en leur système judiciaire (186 condamnés à mort ont été innocentés depuis 1972), le coût exorbitant des procédures et le recours accru aux peines de perpétuité «réelle» comme alternative.

Poignée d’Etats réfractaires

Géographiquement parlant, le champ d’application de la peine de mort aux Etats-Unis ne cesse de rétrécir. Au printemps dernier, la Virginie est devenue le premier Etat de l’ancien Sud confédéré à renoncer à la peine capitale, grossissant par cette décision les rangs des Etats fédérés abolitionnistes, désormais au nombre de 23. Trois autres ont imposé un moratoire sur les exécutions, dont la Californie et ses 700 prisonniers piégés dans le «couloir de la mort», et dix autres n’ont pas procédé à une seule mise à mort ces dix dernières années. En Utah, où seule une exécution a eu lieu depuis le début du siècle, une loi d’abolition bipartisane devrait être examinée l’année prochaine.

La pratique de la peine capitale est désormais le fait d’une poignée d’Etats réfractaires, parmi lesquels l’Alabama ou l’Oklahoma, mais surtout le Texas, où près de 600 détenus ont été éliminés ces trente dernières années. Ainsi le DPIC note-t-il dans son rapport annuel que «la peine de mort en 2021 a été définie par deux forces concurrentes : l’érosion continue et à long terme de la peine capitale dans la majeure partie du pays et la conduite extrême d’un nombre de plus en plus restreint de juridictions qui continuent à prononcer des condamnations à mort et à procéder à des exécutions».

Un moratoire à défaut d’abolition

La peine de mort recule aussi au niveau fédéral, c’est-à-dire pour des crimes qui sont traités par le système judiciaire national et non par les Etats fédérés, soit en raison de leur nature (les actes terroristes par exemple), soit parce qu’ils ont été commis dans des lieux appartenant à l’Etat fédéral (comme les parcs nationaux) ou contre des employés de celui-ci. Le 1er juillet, la Maison blanche a annoncé un moratoire sur les exécutions fédérales, le temps que l’administration «revoie ses politiques et procédures» en la matière. Une décision que Merrick Garland, le ministre de la Justice de Joe Biden, a justifiée par «le caractère arbitraire de l’application de la peine de mort, son impact disproportionné sur les personnes de couleur et le nombre troublant d’exonérations dans les affaires de peine capitale». Dans le même temps, le département de la Justice a retiré les poursuites pour peine de mort contre douze accusés, signe d’une rupture nette avec la présidence de Donald Trump, sous le mandat duquel treize exécutions fédérales avaient été perpétrées.


Mais la Maison Blanche continue de réclamer la peine de mort dans certaines affaires. Les réquisitions contre Dzhokhar Tsarnaev, auteur de l’attentat de Boston en 2013, ou contre Dylan Roof, qui a assassiné neuf Afro-Américains dans une église de l’Indiana en 2015, ont ainsi été maintenues. Pendant la campagne électorale, l’année dernière, Joe Biden s’était pourtant engagé à «mettre fin» à la peine capitale au niveau fédéral, ce que lui réclament aujourd’hui de nombreux élus et observateurs. «Le bilan de Joe Biden un an après son élection est timide, convient Simon Grivet. Il a eu beaucoup de dossiers importants à gérer, notamment la crise sanitaire, et la peine de mort n’était pas une priorité. En plus, l’année 2021 a été marquée par une reprise très forte de la criminalité. Tenir un discours abolitionniste dans ces conditions était difficile.»

Aux Etats-Unis, l’abolition de la peine de mort fédérale ne peut passer que par un vote du Congrès. Une proposition de loi en ce sens a été déposée cette année par l’élue Ayanna Pressley, mais elle n’a quasiment aucune chance d’être adoptée compte tenu de l’étroitesse de la majorité démocrate au Sénat. Reste une option : «Biden pourrait commuer en prison à vie toutes les peines de mort prononcées au niveau fédéral. Pour cela, il n’a qu’à signer un bout de papier. Mais il faut lui laisser du temps», souffle Michael Radelet. Quarante-six détenus patientent actuellement dans le pénitencier de Terre Haute dans l’Etat d’Indiana, où sont incarcérés les condamnés à mort par l’Etat fédéral. Le «couloir de la mort» américain est peuplé au total de quelque 2 500 prisonniers.



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