Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

vendredi 23 octobre 2009

Arabie saoudite : pourquoi il est si facile d'y perdre la tête

Le nombre d’exécutions en Arabie saoudite a été particulièrement important en 2008, et les premiers chiffres pour 2009 (six exécutions capitales en janvier 2009) ne laissent pas présager d’amélioration.

Le gouvernement saoudien continue d'exécuter en moyenne plus de deux personnes... par semaine.

Le processus par lequel la peine de mort est imposée et mise en oeuvre est "cruel, largement mystérieux et extrêmement injuste", écrit Amnesty International. Les juges "ont toute liberté pour agir et peuvent condamner à mort pour des chefs d'accusation non violents ou formulés en termes vagues".

De nombreux pays ont aboli la peine de mort, reconnaissant ainsi son inhérente cruauté. D'autres, qui l'ont conservée dans leur arsenal répressif, soumettent son application à des règles de droit et à une jurisprudence très strictes. Mais en Arabie saoudite, les procès sont bien souvent inéquitables, et les condamnations sont l'expression de la façon toute personnelle dont les juges interprètent des enseignements religieux...et non des textes de loi. L'Arabie saoudite n'a pas de Code pénal, pas de définitions formelles de ce qui constitue un crime, et pas de traditions reposant sur le respect de précédents juridiques.

L'Arabie saoudite est, avec l'Iran notamment, l'un des rares pays qui continuent d'exécuter des mineurs ou des mineurs au moment de la commission des faits.

En Arabie saoudite, les condamnés à mort sont exécutés avec un préavis d'une heure environ, le matin de leur supplice, c'est à dire sans que leur famille, voire leur avocat, ne soient informés de l'imminence de leur mise à mort.

En Arabie saoudite, les condamnés sont exécutés en public, par décapitation la plupart du temps. Dans certains cas, les exécutions sont suivies de crucifixions.
  • 2004 : 38 exécutions
  • 2005 : 90 exécutions
  • 2006 : 39 exécutions
  • 2007 : 158 exécutions dont 82 Saoudiens et 76 étrangers. 48 % des personnes exécutées sont des étrangers.
  • 2008 : 102 personnes ont été décapitées. 39 % des personnes exécutées sont des étrangers.
Crimes/Actes passibles de la peine de mort :
  • homicide
  • viol
  • vol à main armée
  • banditisme de grand chemin
  • sabotage
  • trafic de drogue
  • sorcellerie
  • adultère
  • sodomie
  • homosexualité
  • apostasie (renoncement à l'islam), blasphème
Mode d’exécution : décapitation au sabre

Les exécutions ont lieu en public et par décapitation au sabre, aux abords des mosquées les plus fréquentées des principales villes du pays, après la prière du vendredi. La police retient les spectateurs et s’assure que personne ne prend de photos. Les condamnés, habituellement sous sédatifs, sont contraints de s’agenouiller. Ils sont encadrés par des religieux et des agents de maintien de l’ordre, et placés face à la famille de la victime.

Un représentant du gouvernement lit les accusations et le verdict. Au milieu de la lecture, le bourreau entaille la nuque du condamné avec son sabre, ce qui a pour effet de raidir sa nuque. Ensuite, le bourreau brandit son sabre au milieu des cris de la foule qui hurle "Allah Akbar !" ("Dieu est grand") et décapite le condamné d’un coup sec. Il arrive cependant que ce scénario connaisse des ratés, et que le bourreau doive s'y prendre à plusieurs reprises avant d'obtenir la décapitation complète du supplicié.



Vidéo : entretien avec l'un des principaux bourreaux du royaume saoudien.


Principe des réparations

En vertu du principe de "qesas" (réparation) inscrit dans la charia (loi islamique), les proches d’une victime de meurtre ont la possibilité de pardonner au meurtrier avec ou sans compensation financière (diya). Dans ce cas, la personne n’est pas exécutée. Mais ils peuvent également choisir d’exiger l’exécution. (1)

Le 2 janvier 2009, par exemple, dans la ville de Taïf, un condamné prénommé Hisham a été épargné à la dernière minute lorsque la mère de la victime s'est avancée sur la place publique où allait avoir lieu la décapitation pour demander la grâce de l'homme agenouillé sous le sabre du bourreau.

Peine de mort pour les mineurs

Bien qu’ayant ratifié en 1996 la Convention des Droits de l'Enfant, l’Arabie saoudite continue de condamner à mort et d’exécuter des personnes qui étaient mineures au moment des faits qui leur sont reprochés.

En juillet 2007, par exemple, l’Arabie saoudite a exécuté Dhahiyan al-Thawri al-Sibai à Taïf. Celui-ci avait été condamné à la peine capitale pour un homicide qu’il aurait commis alors qu’il était mineur. Il avait été placé dans un centre de détention pour mineurs jusqu’à ses dix-huit ans, puis transféré à la prison de Taïf. En mai 2007, il avait imploré le pardon de la famille de la victime, mais son appel avait été rejeté.

En janvier 2006, devant le Comité pour les Droits de l’Enfant, les autorités saoudiennes avaient déclaré qu'aucun mineur n'avait été exécuté depuis l'entrée en vigueur de la Convention dans le royaume en 1996.

Le 15 janvier 2009, un jeune homme condamné à mort pour meurtre a été décapité dans la ville frontalière d'Abha. Moshabab bin Ali al-Ahmari, qui était mineur au moment des faits, avait tué l'un de ses compatriotes au cours d'une bagarre. L'exécution du jeune Saoudien a été retardée jusqu'à ce qu'il atteigne sa majorité.

Peine de mort pour les étrangers

La justice saoudienne est particulièrement intransigeante avec les travailleurs étrangers, et notamment avec ceux provenant des pays pauvres du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie, qui représentent près d’un quart de la population saoudienne. Les ressortissants étrangers en Arabie saoudite sont plus exposés que les Saoudiens à des erreurs judiciaires et à des procès inéquitables.

En raison de leurs origines, ils ont peu de chances d’échapper à la peine capitale ; ils bénéficient d’une représentation légale et d’une assistance consulaire insuffisantes, voire inexistantes ; sont privés de tout soutien familial et ne peuvent pas, bien souvent, comprendre la teneur des documents rédigés en arabe qu’ils doivent signer. Le 30 octobre 2008, au Yemen, un pays qui lui aussi applique strictement la charia, Ismail Lutef Huraish, accusé de meurtre puis condamné à mort, a été exécuté sans avoir jamais eu accès aux accusations retenues contre lui ni aux débats de son procès : Ismail Lutef Huraish était analphabète et... sourd. Il n'a jamais bénéficié des services d'un interprète en langue des signes.

Il arrive que la condamnation de ces étrangers repose uniquement sur des « aveux » obtenus par la contrainte, la torture ou la ruse. Les procès se déroulent dans le secret, les accusés et leurs proches ne sont pas informés des accusations ni de l’évolution des procédures les concernant. Certains gardés-à-vue ne sont informés par la police du décès de la victime que lorsque l'accusé a signé une déposition dans laquelle il reconnaît lui avoir porté des coups.

Près de la moitié des exécutions (soit près de 2 000) enregistrées par Amnesty International au cours des 28 dernières années concernent des travailleurs immigrés originaires de pays pauvres ou en voie de développement.

Peine de mort pour les homosexuels

Deux nationaux saoudiens ont été décapités au sabre en Arabie saoudite le 26 décembre 2008. Les deux hommes avaient été condamnés à mort pour viol.

Nasser al-Harby et Majid al-Sibeiy avaient pénétré dans la chambre de la victime, pendant son sommeil. L'homme, dont l'identité n'a pas été révélée, avait ensuite été frappé et ligoté avant d'être violé, selon les termes de la déclaration ministérielle reprise par l'agence de presse officielle SPA.

La sodomie est un délit dans plus de 85 pays à travers le monde et, parfois, un crime passible de la peine de mort, comme en Iran, en Arabie saoudite, au Soudan et au Yemen.

Peine de mort pour les blasphémateurs

Le 18 novembre 2008, le roi Abdullah d'Arabie saoudite a annulé une sentence de mort prononcée contre un barbier turc condamné pour "blasphème".

Sabri Bogday, qui travaillait comme coiffeur sur le port de Jidda, a été condamné à mort après une dispute qui l'avait opposé à l'un de ses voisins, un tailleur, au cours de laquelle le barbier avait, selon des témoins, prononcé des paroles blasphématoires.

Le Président turc Abdullah Gul a intercédé auprès du monarque saoudien pour que celui-ci annule la sentence de mort. (Addendum du 28 janvier 2009 : Selon le journal turc Hurriyet, Sabri Bogday a regagné la Turquie le mardi 27 janvier 2009. Il a été accueilli à l'aéroport d'Istanboul par sa mère, sa femme et son jeune fils.)

Cette condamnation montre à quel point les sentences, et leur gravité, dépendent du degré de religiosité des juges : "Pour certains juges, il s'agit d'hérésie et de blasphème. Ils pensent que le coupable est incapable de repentir et qu'il mérite la mort. D'autres considèrent en revanche qu'il s'agit d'une erreur et invitent l'accusé à se rétracter et à se repentir avant de le remettre en liberté".

- En savoir plus sur la peine de mort en Arabie saoudite : "La peine de mort dans le monde" (en français) et "Death Penalty News" (en anglais).

(1) Murder is punishable by "qesas", or death. Murder by someone with diminished responsibility may be punishable by the payment of diyeh, a form of compensation. In cases of premeditated murder, the family of the victim has the right to ask for their relative’s killer to be put to death. The family can also choose to forgive the culprit and accept payment of diyeh instead. There is a distinction between cases where the penalty is "execution" and qesas, although people sentenced to qesas are often reported in the media to have been sentenced to death. There is no such distinction in international law. Murder is treated as a private dispute between two civil parties – the state's role is to facilitate the resolution of the dispute through the judicial process. In this sense, the death penalty is regarded as being imposed by the state, whereas qesas is imposed by the family of the victim. As a result, sentences of qesas are not open to pardon or amnesty by authorities, whereas most other death sentences can be reversed. This is in contravention of Article 6 (4) of the International Covenant on Civil and Political Rights. Source: Amnesty International.

Sources : Ensemble Contre la Peine de Mort, Death Penalty News, La Peine de Mort dans le Monde

Photo : Décapitation au sabre d'un condamné à mort en Arabie saoudite.

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