Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

mardi 11 octobre 2011

"Aux Etats-Unis, la peine de mort est une continuation de la ségrégation raciale"

Salle d'exécution du pénitentier
d'Angola, Louisiane

Derrière les chiffres et les constats, une question taraude militants abolitionnistes et chercheurs : comment la peine de mort s'inscrit-elle dans une démocratie moderne ? Pour tenter de répondre à cette question, Arnaud Gaillard, sociologue, s'est rendu dans huit Etats américains où la peine capitale est en vigueur. Il en a tiré un livre de témoignages et d'analyse, 999 (Max Milo, 2011), et un film, Honk (sortie le 9 novembre).

Les Etats-Unis sont une des seules grandes démocraties (avec l'Inde et le Japon) à pratiquer la peine de mort. Comment expliquer cette singularité américaine ?

Parmi les explications possibles, il y a bien sûr le fait que la société américaine soit construite sur une violence omniprésente, illustrée par le port d'armes ou encore une criminalité très forte. Les Etats-Unis restent un pays de pionniers qui fonctionne selon le mot d'ordre du "marche ou crève". Les gens adhèrent à cette radicalité, la notion d'indulgence est peu partagée. La loi, tout comme la Constitution, est considérée par beaucoup comme d'inspiration divine, et la loi du talion, contenue dans l'Ancien testament, constitue aux yeux de beaucoup une justification en faveur de la peine capitale.

Il faut ajouter à cela que les Etats-unis sont une société jeune, quasiment adolescente, qui se construit par va-et-vients et dans l'excès. Le lynchage a perduré jusqu'en 1968 et la peine de mort subsiste aujourd'hui dans de nombreux Etats. Il y a certes un amenuisement de l'usage de l'exécution, mais le pays n'a pas encore développé un véritable regard critique sur la peine capitale.

Comment se structure dans l'opinion le rapport de force entre abolitionnistes et rétentionnistes (partisans du maintien de la peine de mort) selon l'appartenance politique, ethnique ou religieuse ?

Un sondage de 2006 de l'institut Gallup montre que le soutien pour la peine de mort est en moyenne de 65 % (en régression par rapport aux 80 % en 1994). Les rétentionnistes représentent un peu plus de la moitié des Démocrates, les deux-tiers des Indépendants et plus de 80 % des Républicains.

Parmi les plus farouches défenseurs de la peine capitale, on trouve les baptistes. Jay Gross, le prêcheur de la Southern Baptist Church de Conroe au Texas, tient des prêches très engagés auxquels j'ai assistés : "Si on n'exécute plus de peur de tuer un innocent, alors on devrait aussi ouvrir les portes des prisons, car on peut être sûr qu'il y a des innocents à l'intérieur", explique-t-il à ses fidèles avant de conclure : "Lorsque nous avons lancé des bombardements sur la France pour libérer l'Europe du joug nazi, bien sûr que des innocents sont morts. Pourtant il fallait le faire et nous sommes fiers de l'avoir fait. Pour la peine de mort, c'est la même chose !"

Les noirs sont beaucoup moins favorables à la peine capitale que les blancs, mais également beaucoup moins engagés politiquement. Ils sont conscients que c'est une justice de blancs faite pour les blancs. La peine de mort est une continuation de la ségrégation raciale, mais également économique, dans un pays où l'accusation a un budget illimité et où les avocats d'office ne font pas toujours leur travail.


Source: Le Monde, Soren Seelow, 10 octobre 2011


Honk Bande-annonce par toutlecine

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