Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

vendredi 27 avril 2012

Le prof et ses etudiants libèrent des innocents

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C'est le genre d'homme qui vous rend fier de posséder une carte de presse. David Protess enseigne le journalisme à Chicago. Depuis vingt ans, avec ses étudiants, il refait l'enquête sur des condamnés qu'il pense victimes d'erreur judiciaire. Son bilan en dit long sur la fiabilité de la justice : grâce à lui, douze innocents ont retrouvé la liberté. Parmi eux, cinq attendaient dans un « couloir de la mort ».


CHICAGO. De notre envoyé spécial.

Les cours ont lieu une à deux fois par semaine dans un immeuble du centre de Chicago. Autour d'une grande table, David Protess réunit la demi-douzaine d'étudiants en journalisme qui suivent son cours de « techniques d'investigation ». Particularité de son enseignement : il consiste à refaire l'enquête policière d'un cas déjà jugé et pour lequel un homme a été condamné à une peine de longue durée. En général, pour un meurtre.

Cet après-midi, c'est le moment du débriefing. Quelques jours auparavant, Conor, 19 ans, et Diana, 21 ans, ont interrogé un témoin essentiel dans l'affaire d'homicide que le groupe tente de résoudre.

L'homme, qui avait témoigné à charge pendant l'enquête, douze ans avant, a reconnu devant eux qu'il s'était trompé. Il s'agit alors d'obtenir de lui une déclaration signée. Il va falloir le convaincre... Cela ne s'improvise pas.

Cela fait vingt ans que David Protess joue les Tintin redresseur de torts. D'abord au sein de la Northwestern University de Chicago. Puis, depuis un an, de façon indépendante, à travers l'association qu'il a fondée : Chicago Innocence Project.

Ses résultats sont incroyables. Avec ses étudiants, David a réussi à faire libérer douze condamnés dont il a établi l'innocence. Parmi eux, cinq attendaient leur exécution

Enquête partiale, procès bâclé, avocat incompétent... Les ingrédients de l'erreur judiciaire ne varient guère. Les victimes sont toujours de pauvres gens. Des Noirs la plupart du temps.

Tout a commencé en 1992 avec le cas David Dowaliby, condamné pour avoir tué sa fille de 7 ans. Son épouse est persuadée qu'il n'a rien fait. David Protess l'invite à venir parler de l'affaire avec ses étudiants. Il se passionne pour le dossier. « J'ai commencé à faire des investigations. C'était très compliqué. L'idée m'est venue de proposer aux étudiants de m'aider. » Grâce à un nouveau témoin, il réussit à identifier le vrai coupable. Dowaliby est libéré. L'affaire fait la une des journaux.

« Dans les mois qui ont suivi, j'ai reçu des centaines de lettres de condamnés qui me demandaient de les aider. » Il enchaîne sur une autre réussite. Et s'attaque, l'année suivante, au cas des « quatre de Ford Heights », du nom d'un quartier de la banlieue de Chicago.

Sauvé à deux jours de l'exécution
En 1978, un double assassinat et un viol y ont été commis. La police a arrêté quatre jeunes Noirs. Sur la base d'un seul témoignage et sans preuve matérielle, deux ont été condamnés à mort et deux à de très longues peines.

« La plus grande erreur judiciaire de l'histoire des États-Unis », estime David Protess qui a réussi, avec ses étudiants, le carton plein : non seulement les quatre innocents ont été libérés, mais les vrais coupables ont été arrêtés et condamnés.

Le cas Anthony Porter, deux ans plus tard, tient du miracle. « Son avocat nous a contactés deux jours avant l'exécution. On a réussi à faire admettre qu'avec un quotient intellectuel de 60, il était peut-être retardé mental et qu'il fallait de nouveaux examens. »

En fait, Anthony Porter possède un QI supérieur à 100. Mais un délai de trois mois est obtenu. Un témoin de la dernière heure apprend le recours. Sa conscience le torture, car il connaît le vrai coupable, son oncle. Il contacte David, donne le nom. Deux étudiants localisent l'épouse de l'oncle. Elle a assisté au meurtre et accepte de témoigner. L'oncle est arrêté, il avoue.

Le 6 février 1999, Anthony Porter retrouve la liberté. David conserve la photo prise à la sortie de la prison et publiée dans toute la presse américaine. On y voit l'ancien détenu prendre dans ses bras et soulever de terre le prof de journalisme qui lui a sauvé la vie.

Des équipes comme le Chicago Innocence Project, il en existe quasiment une par État aux USA. À la différence des autres, David fait peu travailler ses étudiants sur des pièces ADN. Il privilégie les cas où il n'y a d'autre recours que les méthodes classiques de l'enquête.

Parfois, il fait appel à un détective privé quand le rendez-vous pourrait comporter un risque. Chaque semaine, il continue de recevoir une vingtaine de lettres implorant son aide. « C'est un des aspects les plus difficiles de ma tâche : quel cas choisir ? » Car il en est persuadé : des milliers d'innocents croupissent en prison.



David privilégie les cas qu'il pense gagnables. En moyenne, il réussit une fois sur deux. Le cas Porter reste sa victoire la plus importante. Quelques semaines après, le gouverneur de l'Illinois décrétait un moratoire sur la peine de mort. En mars 2011, elle a été abolie. Grâce au prof de journalisme et à ses petits étudiants.

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