Odell Barnes Jr.

L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf

samedi 19 janvier 2013

"Innocence Project" ambitionne de lutter contre les erreurs judiciaires

http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/01/16/innocence-project-ambitionne-de-lutter-contre-les-erreurs-judiciaires_1817899_3224.html

On croirait le projet tout droit sorti du cerveau d'un scénariste de série policière américaine. Un projet réunissant à la fois les attentes des étudiants en droit pénal épris de justice et les espoirs des personnes condamnées à tort par la justice ayant épuisé tous les recours traditionnels. "Innocence Project France" a été officiellement lancé le 11 janvier, dans les locaux de l'université Lyon-III, devant près de 200 étudiants se destinant à devenir avocat, juge ou commissaire de police.


A l'origine de ce projet visant à lutter contre les erreurs judiciaires de façon bénévole, collective et pluridisciplinaire, un constat simple : seules huit procédures de révision en matière criminelle ont abouti en France depuis 1945. "Cela veut-il dire que la justice ne se serait trompée qu'un peu moins d'une fois tous les dix ans ?", s'interroge Sylvain Cormier, l'avocat pénaliste à l'origine de la déclinaison française d'un projet lancé aux Etats-Unis en 1992. "On ne peut pas toujours miser sur la chance que le véritable coupable vienne se dénoncer, comme dans l'affaire Marc Machin [acquitté le 20 décembre 2012 à l'issue de son procès en révision]."

"PETITES MAINS"
A la tribune, Robert Schehr et Gregory Hampikian, les juristes et experts responsables d'Innocence Project en Arizona et dans l'Idaho. Ils sont venus expliquer très concrètement à ces futurs professionnels du droit comment les soixante organisations américaines d'Innocence Project ont réussi à faire libérer plus de 300 victimes d'erreurs judiciaires en vingt-cinq ans grâce aux tests ADN.

"Dans 70 % des erreurs, il y avait eu une mauvaise identification de la part des témoins", constate Robert Schehr. "La science peut alors réparer une injustice", complète Gregory Hampikian, spécialiste de génétique. En France, les initiateurs du projet soulignent que celui-ci devrait cependant moins se focaliser sur l'ADN.
Ce sont d'abord les étudiants, notamment ceux de l'Institut d'études judiciaires de Lyon, qui, sous la houlette d'un avocat, vont effectuer un premier tri parmi les demandes des condamnés définitifs estimant être victimes d'une erreur judiciaire. "Il y aura des dossiers fantaisistes, anticipe Sylvain Cormier. Le premier enjeu, c'est donc la sélection des demandes."
Aux Etats-Unis, Innocence Project est intégré au cursus universitaire des universités partenaires, et chaque étudiant doit travailler au moins huit heures par semaine à étudier les cas. "Nous serons les petites mains, mais pas au sens péjoratif", commente Michaël Bouhalassa, 28 ans, étudiant en deuxième année à l'Ecole des avocats Rhône-Alpes. Il s'est d'ores et déjà inscrit pour faire partie de ce "projet magnifique", motivé par "l'idéal de justice qui est derrière".
Deuxième étape : chercher le "fait nouveau" ou "l'élément inconnu de la juridiction au jour du procès" nécessaire pour saisir et convaincre la Cour de révision. Des avocats pénalistes, un policier à la retraite et un gendarme se sont déjà dits prêts à venir renforcer l'équipe en gestation, qui bénéficie du soutien du barreau de Lyon. Sylvain Cormier vante les vertus de la multiplication des compétences. "Un policier sait lire entre les lignes d'un procès-verbal, les avocats savent détecter un dossier un peu foutraque... Mais jusque-là, chacun travaillait dans son coin."

"BARRIÈRES PROCÉDURALES"
Au programme, décortiquer l'enquête, mais aussi, dans la mesure du possible, la refaire : lire les rapports, inspecter la scène du crime, parler aux témoins, à la personne condamnée, aux policiers ou aux avocats. "Mais il y a tellement de barrières procédurales en France qu'il va falloir trouver des solutions à chacune d'entre elles", reconnaît Michaël Bouhalassa. "Tout n'est pas transposable à la lettre des Etats-Unis, confirme Sylvain Cormier. En France, rien n'est codifié. Si un avocat entre en contact avec un témoin, il est très vite accusé de subornation. Nous devons trouver notre propre protocole, en accord avec les juges, pour que les étudiants puissent interroger les témoins."
Pour Me François Saint-Pierre, par ailleurs avocat du Monde, le projet va se heurter à un autre écueil majeur : la mauvaise conservation des scellés en France. "Vous ne trouverez pas ceux d'il y a dix ans !, lance-t-il aux étudiants. C'est pourquoi il vous faudra aussi être une force de proposition. Une loi exigeant la conservation des scellés dans les cas où il y a un doute serait une priorité absolue."
Sylvain Cormier admet qu'il faut "être très modeste avec ce projet car certaines équipes ont travaillé dix ans sans avoir de révision". "Mais au final, résume François Saint-Pierre, l'institution judiciaire en sortira plus exigeante avec elle-même."
François Béguin - Lyon, Envoyé spécial

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