Anne
Hidalgo, maire de Paris, inaugurera demain une plaque en l’honneur de
Bruno Lenoir et Jean Diot, les derniers homosexuels brûlés vifs à Paris
en raison de leur homosexualité.
Il
est presque minuit ce 3 janvier 1750 lorsque Bruno Lenoir, un
cordonnier d’une vingtaine d’années, et son partenaire d’un soir, Jean
Diot, employé de maison de 40 ans, sont arrêtés, ivres, rue Montorgueil,
au coeur de Paris. Selon le procès-verbal de l’époque dressé par le
guet, la police chargée des rondes de nuit, les deux hommes ont été vus «
en posture indécente et d’une manière répréhensible ».
D’ordinaire,
ce type affaire se soldait alors par une simple remontrance, appelée «
mercuriale ». Eux n’auront pas cette chance. Après un séjour de six mois
dans les geôles malfamées de la prison du Châtelet et un simulacre de
procès, ils écopent de la peine maximale : la mort par le feu, en place
de Grève, l’actuelle place de l’Hôtel de Ville, qui servait aux
exécutions et aux supplices publics sous l’Ancien Régime
.
La
sentence, pourtant conforme à ce que la loi réservait aux « sodomites »
au milieu du XVIIIe siècle, « a étonné tout le monde par sa sévérité »,
explique Thierry Pastorello, historien et auteur d’une thèse sur
l’homosexualité masculine à Paris aux XVIIIe et XIXe siècles.
«
S’agissant d’une simple sodomie, c’est un cas unique au XVIIIe siècle,
on a voulu faire un exemple », assure-t-il. A cette période, d’autres
homosexuels avaient été brûlés pour ce motif, mais ils s’étaient rendus
coupables de pédophilie et de trafic de jeunes enfants.
LE TORT DE N'ÊTRE PAS « BIEN NÉS »
Du
jardin des Tuileries à celui du Luxembourg, en passant par les quais de
Seine, « la vie sodomite était très développée à l’époque », poursuit
M. Pastorello. « C’était un crime très banal. Les archives montrent que
la police savait très bien ce qui se passait dans certains endroits
chauds », notamment les guinguettes et cabarets « connus pour leur
clientèle sodomite ».
Outre
l’acte, les deux hommes, de simple condition, ont eu le tort de ne pas
être bien nés. « Ils étaient particulièrement fragiles sur le plan
social, c’était plus facile de les condamner », estime M. Pastorello. «
Les jeunes nobles surpris dans des parties fines dans les bosquets de
Versailles étaient renvoyés dans leurs châteaux de campagne pour se
faire oublier », ajoute-t-il.
Ce
n’est qu’en 1791 que le code pénal abandonne le crime de sodomie entre
adultes consentants. Et il faudra attendre 1982, sous l’impulsion de
Robert Badinter, ministre de la Justice de François Mitterrand, pour que
l’homosexualité soit totalement dépénalisée.
PLAQUE COMMEMORATIVE
Samedi,
en présence de la maire de Paris Anne Hidalgo, une plaque commémorative
sera dévoilée à l’endroit de leur arrestation, à l’angle des rues Montorgueil et Bachaumont. Un vœu avait été présenté en ce sens par le groupe communiste, présidé par Ian Brossat, au Conseil de Paris, qui l’avait voté à l’unanimité en mai 2011.
«
C’est un acte important. Enfin, ces victimes-là vont être reconnues »,
se réjouit Nicolas Rividi, un porte-parole de l’Inter-LGBT (lesbiennes,
gays, bi et trans). « Il ne faut pas que la mémoire se perde, mais que
le souvenir de ces personnes serve de garde-fous face aux manifestations
homophobes », dit-il.
Sources : Têtu, AFP, 17 octobre 2014
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