Avant d'être sanglé sur la table d'exécution, un condamné à mort aux États-Unis passe ses dernières 24 heures en obéissant à un rituel précis à la minute où il devient, parfois pour la première fois de sa vie, le centre de toutes les attentions.
Un lit en fer, un petit poste de télévision, une Bible et derrière les barreaux parfois un rayon de soleil. Dans l'Ohio, dix ans, parfois vingt après avoir été jugé, le condamné à mort pénètre dans la «maison de la mort» sise au sein de la prison de Lucasville, quelque 400 km au sud du couloir de la mort.
Dans cet espace étroit aux murs jaunâtres, les relents d'urine mélangés à une odeur de soupe bon marché prennent le visiteur à la gorge.
Durant tout le temps qu'il faut à la Terre pour tourner sur elle-même, trois gardiens assis derrière un petit bureau et un écran d'ordinateur observent à tour de rôle et consignent chacun des gestes du condamné «pour les archives».
Des téléphones fixés aux murs, partout, témoignent qu'un sursis peut intervenir à tout moment.
À son arrivée le matin, le condamné fait l'objet d'une évaluation médicale. Au moins trois fois par la suite, c'est l'«équipe d'exécution» qui s'invitera dans sa dernière cellule pour regarder ses veines, évaluer le meilleur endroit où poser une intraveineuse assez solide pour supporter l'injection.
L'homme qui va mourir exprime ensuite ses souhaits en matière de funérailles. L'État de l'Ohio doit-il remettre sa dépouille à sa famille ou se charger des obsèques ? Mêmes questions pour ses affaires personnelles.
Il compose le menu du «repas exceptionnel» qui lui sera servi à 16H00, 18 heures avant sa mort. Le repas doit être «dans la limite du raisonnable» et toujours préparé dans les cuisines de la prison. «Nous ne faisons aucune commande à des restaurants», explique Julie Walburn, porte-parole des autorités pénitentiaires de l'Ohio qui assure la visite guidée.
L'heure est ensuite aux visites. Le condamné peut partager son espace avec ses proches pendant trois heures cet après-midi là. Ensuite, «il peut téléphoner, autant qu'il veut, tout au long de la nuit» et recevoir la visite de son conseiller spirituel.
Le matin, un petit-déjeuner lui est proposé, qu'«il ne prend pas toujours». Une douche sommaire derrière un rideau crasseux l'attend s'il le souhaite. On le prie alors d'enfiler les vêtements qu'il portera pour pousser son dernier soupir.
Entre 6H30 et 8H30, on lui donne encore le droit de voir, deux par deux, ses proches. Mais cette fois, il reste cantonné derrière la grille doublée d'une vitre de sa cellule.
9H45: un gardien se poste à l'entrée et lit l'ordre de la Cour suprême de l'Ohio qui habilite les autorités pénitentiaires à le tuer dans le quart d'heure qui suit.
Le condamné est allongé sur la table, deux cathéters sont posés dans ses veines. L'opération est filmée pour que les témoins y assistent, mais jamais enregistrée. Il se lève et est escorté vers la chambre d'exécution.
Dix-sept pas plus tard, il monte sur la table d'exécution et y est fermement attaché, les bras en croix.
«Chacun va à son rythme», promet Julie Walburn, assurant que les condamnés sont le plus souvent «très calmes». En arrivant, son regard peut croiser celui de la famille de la ou des victimes. Mais une fois étendu, il est tourné vers ses proches.
Le gisant prononce ses dernières paroles. Un signe invisible du gardien qui tient le micro. Posté derrière une vitre, dans le noir, un autre gardien appuie sur la seringue qui diffuse le poison.
Source: Lucile Malandain, Agence France-Presse, Lucasville, cyberpress.ca, 7 décembre 2009
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